Biographie 
Né dans une famille arménienne en Turquie en 1903, Chahan Kerestedjian, écrivain et poète, choisit « Armen Lubin » comme pseudonyme pour écrire en français. Lorsqu’il écrit en arménien, sa langue maternelle, il signe « Chanan Chahnour ». Pendant ses études à Istanbul, il apprend le français et en 1922, part s’installer à Paris où il participe de façon très active au mouvement littéraire arménien. Son premier roman, Retraite sans chanson, parait dans sa langue maternelle en 1929. Touché par une longue maladie qui lui impose des séjours réguliers à l’hôpital, se sentant doublement déraciné par rapport à ses origines et à sa vie, il essaie de transcender sa souffrance en se laissant porter par l’écriture.
En cherchant un sens à l’existence, il publie plusieurs recueils de poèmes en français comme Le passager clandestin (1946), Sainte patience (1951) et Les hautes terrasses (1957), avant de revenir à sa langue maternelle en 1958.
Son œuvre particulièrement marqué par le thème de l’exil aborde la façon dont l’identité d’un écrivain se construit avec les blessures du passé et le processus créatif de l’écriture.
Morceaux choisis
- L’exode, Sainte Patience, 1951
- L’écureuil de Pessac, Sainte Patience, 1951
Pourquoi j’ai choisi ces textes ? (PN)
L’exode, Sainte Patience, 1951 : Qui dit « exode » dit départ forcé, déracinement et déchirement. À la recherche de la paix et, pour survivre, les gens fuient leurs pays marqués par les atrocités de la guerre. Dans ce poème, le temps et l’espace imprégnés de toutes sortes de violences représentent un siècle tragique.
« Nous étions partis et nous dûmes repartir,
Le siècle était devenu un stand de tir.
Nous étions tous partis à cause de la paix
Troublée sciemment par la même trinité :
Par le pavé de l’ours
Par les cordons de la bourse
Par l’ombre du clocher.
Sur des poubelles tordues les dialectes se penchaient. (.) »
L’adversité est intemporelle. Les siècles se succèdent, les conflits se décuplent chaque matin, l’existence reste fragile, la paix devient un véritable luxe pour certains peuples.
L’écureuil de Pessac, Sainte Patience, 1951 : Dans ce poème, Armen Lubin nous montre que les moments de l’enfance sont une véritable richesse.
« Le soleil a abandonné les arbres de droite
Pour aller entreprendre ceux d’en face.
Toute affaire sérieuse remonte à l’enfance.
De l’enfance elle redescend pour refleurir,
Et c’est ainsi que la dame se met à rire
Non pas de son rire de bourgeoise solennelle
Mais d’un rire de jeune fille soudainement belle,
D’un rire qui saute, qui bondit, qui nous revient
Par la voie la plus aérienne. (.) »
Ces moments ont un pouvoir libérateur surtout lorsqu’on y associe l’humour et les ressources de la nature, ne serait-ce que les arbres, pour citer un exemple. En suivant son cycle naturel, le soleil disparait pour certains et rayonne de pleins feux pour d’autres. Pour le poète, il ne faudrait pas s’en faire, car une joie authentique dans le cœur est communicative et peut créer des miracles.
Lisez les morceaux choisis
Le passager clandestin (1946) Sainte Patience (1951), Les hautes terrasses (1957), Paris, © Éditions Gallimard, 2005, 274 p.