Arthur Rimbaud

Biographie Rimbaud

Arthur Rimbaud est sans doute le plus singulier et le plus mystérieux des écrivains français, dans une littérature où les plus grands poètes, sans doute, sont des prosateurs. Comme disaient les Juifs à propos de Bethléem, que peut-il sortir de bon du fin fond du lycée de Charleville ?

Et il en est sorti, tout armé, un poète génial de seize ans.

Venu à Paris et découvert par le monde des Lettres, à peine l’effleure-t-il. Il mène une vie folle avec Verlaine. Il écrit tout ce que son génie le pousse à écrire et, un jour, il se tait. Si on le presse de se remettre à l’écriture, il répond : « Je ne m’occupe plus de ça ». Après plusieurs errances, il disparait en Ethiopie pour commercer l’ivoire, le café, les armes, peut-être un peu d’esclaves, avant de revenir mourir d’un sarcome au genou à l’hôpital de Marseille.

Bref, le plus improbable des itinéraires, celui d’un archange de la poésie qui se serait brulé les ailes au feu de son génie. Rien n’explique son envol, rien n’explique son mutisme. Il est passé comme une étoile filante au firmament de la poésie mais sa trace est indélébile. Après lui, on ne pourra plus jamais écrire comme avant.

Je ne peux, cher lecteur, te dissimuler mon admiration pour le génie de Rimbaud, si exceptionnel dans toute la littérature française. Je n’y vois nulle explication rationnelle. Cela relève du miracle. Je crois que Dieu a voulu réparer l’injustice qu’il avait faite à la région Champagne-Ardennes (qui n’existait bien sûr pas à l’époque de Rimbaud) dont on parle relativement peu dans l’Histoire, en lui offrant une éclatante compensation...

Une comète brillante est passée dans le ciel de la poésie et nous l’avons perdue ! De septembre 1870 à novembre 1873, le génie créateur et poétique d’Arthur Rimbaud s’est déployé comme un explosion qui a concerné tous les domaines de la poésie. Personne ne sait vraiment pourquoi il a cessé brutalement d’écrire. Peut-être pensait-il qu’il avait été au bout de ses capacités poétiques et qu’elles ne le menaient pas où il ambitionnait d’aller : Il lui fallait sans doute rompre les amarres, prendre un nouveau départ et tenter une nouvelle expérience qui fût radicale, comme cela apparait en filigrane dès certains textes de 1872 et 1873. Mais le mystère demeure entier.

Morceaux choisis

  • Ma bohème, Cahier de Douai, 1870
  • Voyelles, Poésies, 1883
  • Sensation, Poésies, 1870
  • Phrases, Illuminations, 1873-1875

Pourquoi j’ai choisi ces textes ? (HJ)

Ma bohème, Cahier de Douai, 1870 :  Chaque fois que j’ouvre Rimbaud, je suis à nouveau saisi et ébloui par l’extravagante facilité de ce surdoué et, en même temps confondu par l’étrangeté de son destin, à nul autre comparable. Jeanne d’Arc, peut-être pour le rapport d’âge et la trace fulgurante qu’ils ont laissée, chacun dans leur domaine ? Mais qui d’autre encore ? Personne, je crois, même aucun des prophètes d’aucune religion. Pour moi, Rimbaud est la bombe atomique de la poésie française.

J’aime aussi la liberté de ton du poète sous une métrique qui reste rigoureuse, l’aptitude à tirer des effets du vocabulaire trivial : les mots du commun mêlés aux canons du genre poétique font exploser la spontanéité du génie poétique, un peu comme le fera plus tard Boris Vian en brisant les syntagmes des clichés de la langue.

Tout le monde connait la photo du Rimbaud rêveur qui figure sur la couverture des biographies qui lui sont consacrées.

« Je ne reconnus d’abord que ses yeux si extraordinairement beaux à l’iris bleu-clair entouré d’un anneau plus foncé couleur pervenche », dira son ami Delahaye...

Mais un dessin de Forain qu’on vient de redécouvrir, cheveux longs, bouclés et fous, pied négligemment croisé sur la cuisse permet de trouver un autre Rimbaud, gamin désinvolte aux antipodes de l’adolescent perdu dans ses pensées et peut être plus proche de notre texte, et surtout croqué dans l’attitude qui devait lui être familière, un pied près de son cœur....

Sur sa stèle, quelques vers des Illuminations résumeront mieux son génie que tout ce que je pourrais écrire :

J’ai tendu des cordes de clocher à clocher,

Des guirlandes de fenêtre à fenêtre,

Des chaines d’or d’étoile à étoile,

Et je danse...

Joli programme d’éternité pour un pauvre amputé.

Ce sonnet ultracélèbre a été écrit par Rimbaud quand il avait 16 ans. Dès cet instant, son génie poétique éclate. Il innove en utilisant des mots inattendus en poésie et presque vulgaires comme « poches crevées, culotte, élastiques, souliers… ». De même, il pratique des enjambements audacieux en sautant par-dessus les rimes et les vers dans « j’égrenais dans ma course// des rimes », « où je sentais des gouttes// de rosée à mon front », « je tirais les élastiques// de mes souliers blessés. » Tout en trouvant des formules d’une extraordinaire poésie.

Il faut lire les commentaires qu’on trouve sur Internet dans la rubrique poetica.fr/poeme-966/arthur-rimbaud-ma-boheme où s’expriment des lecteurs de tous âges.

D’autres textes, certains sont terribles et à peine montrables, nous montrent un Rimbaud poète maudit.

Un court passage d’Une saison en enfer (1873) nous laisse entrevoir dans une préfiguration fugitive ce que deviendra sa vie de trafiquant (d’armes ?) en Ethiopie et à Aden jusqu’à sa mort d’une tumeur au genou à 38 ans à l’hôpital de Marseille :

« Le sang païen revient ! L'Esprit est proche, pourquoi Christ ne m'aide-t-il pas, en donnant à mon âme noblesse et liberté. Hélas ! l'Évangile a passé ! l'Évangile ! l'Évangile.

 J'attends Dieu avec gourmandise. Je suis de race inférieure de toute éternité.

 Me voici sur la plage armoricaine. Que les villes s'allument dans le soir. Ma journée est faite ; je quitte l'Europe. L'air marin brûlera mes poumons ; les climats perdus me tanneront. Nager, broyer l'herbe, chasser, fumer surtout ; boire des liqueurs fortes comme du métal bouillant, — comme faisaient ces chers ancêtres autour des feux.

 Je reviendrai, avec des membres de fer, la peau sombre, l'œil furieux : sur mon masque, on me jugera d'une race forte. J'aurai de l'or : je serai oisif et brutal. Les femmes soignent ces féroces infirmes retour des pays chauds. Je serai mêlé aux affaires politiques. Sauvé.

 Maintenant je suis maudit, j'ai horreur de la patrie. Le meilleur, c'est un sommeil bien ivre, sur la grève. »

Il faut encore lire le sonnet Voyelles pour comprendre Rimbaud.

Voyelles, Poésies, 1883 : Ce texte étonnant où, selon les spécialistes, chaque lettre est censée représenter une partie du corps féminin, ne peut manquer d’évoquer aussi le fameux Correspondances de Baudelaire, par l’abondance des métaphores où les deux auteurs mêlent toutes les impressions et tous les sens pour établir entre eux des relations inattendues…

Sensation, Poésies, 1870 : Et quoi de plus charmant que ces deux quatrains...

Phrases, Illuminations, 1873-1875 : Ces quatre petits vers qui n’ont l’air de rien marquent à mes yeux le miracle du jaillissement poétique, comme les laves jaillissent des volcans. Rien ne le fait prévoir, rien ne l’annonce et, tout à coup, la poésie est là. Il n’'y a rien d’autre à faire que de la savourer pour ce qu’elle est. Tout au plus peut-on s’interroger sur ce qui a suscité chez Rimbaud l’éclosion du génie. On peut se casser la tête. On ne saura sans doute jamais comment s’est produit chez cet adolescent le miracle qui a ébloui Verlaine...

Lisez les morceaux choisis

Rimbaud ma bohemeRimbaud ma boheme (62.79 Ko)

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Rimbaud sensationRimbaud sensation (59.45 Ko)

Rimbaud phrasesRimbaud phrases (55.9 Ko)