Eve Guerra

Biographie Eve guerra

Née en 1990 dans la ville de Mossendjo à plus de 500 kilomètres de Brazzaville, Ève Guerra, fuyant la guerre civile, quitte son pays à l’âge de neuf ans. Après l’obtention de son baccalauréat au lycée français de Douala au Cameroun, elle arrive à Lyon pour faire des études supérieures en Lettres classiques. Enseignante de latin, de grec et de français, elle se consacre également à l’écriture. En 2023, elle rédige des chroniques pour la revue Lire Magazine Littéraire.

Son premier recueil de poésie, Corps profonds, parait en 2022. Puis, en 2024, elle publie Rapatriement, un premier roman poignant qui obtient le Prix Goncourt du premier roman. En s’inspirant de sa propre vie, elle met en scène un jeune étudiant qui retrace son passé, affronte les secrets de famille, parle des affres de la corruption et de l’exil en soulignant le rôle de l’écriture, surtout celui de la poésie, dans la vie.

Morceaux choisis

  • Rapatriement, 2024                         

Pourquoi j’ai choisi ce texte ? (PN)

Le voyage intérieur n’est pas toujours le plus facile à faire, dit-on, car souvent on y croise des démons qu’on voudrait laisser dans des placards. Pour avancer et trouver sa voie ainsi que sa place dans la société, la remise en cause de la famille et de ses choix de vie devient nécessaire. Dans Rapatriement, où la narratrice, Annabella, jeune étudiante, se sentant abandonnée par sa mère et piégée par l’amour exclusif de son père, prend la fuite pour trouver son autonomie, au risque de rompre tous liens avec ce dernier. Le prix de la liberté lui coute cher. Partagée entre deux cultures, assaillie par des souvenirs douloureux, elle traverse des moments d’incertitude, de deuil et de désillusion profonde, tout en essayant de garder un cap pour trouver un peu de grâce dans la littérature, et surtout la poésie qui la sauve, comme elle le dit en évoquant l'Iliade.

"Je ne lirai pas des livres qui m’expliquent ma laideur du monde que je vois déjà assez tous les jours. Et puis la politique, c’est fini. (.) Maintenant, J’aime la poésie. La poésie, c’est beaucoup plus fort, c’est consistant. C’est la poésie qui documente la condition humaine. C’est elle qui dépend la duplicité de l’homme, sa noirceur. Depuis l’Iliade, c’est la poésie qui raconte le cœur de l’humanité. L’Iliade est le poème le plus politique qui soit parce qu’il dit la douleur du deuil, les déchirements de la guerre, la souffrance, il dit le sacrifice, il raconte l’adieu des amants, les errements de l’orgueil. On serait bien avancé dans le cauchemar si nous n’avions que la politique pour rendre le monde intelligible. (.) Il faut se révolutionner, papa. Il faut demeurer au seul de soi-même. Hier, j’aimais la politique, aujourd’hui j’aime la poésie, et demain le monde sera nouveau. Il faut demeurer au seuil du monde comme au seuil de soi-même."

Ève Guerra, Rapatriement, Paris, Editions Grasset, 2024, p. 158-159

En suivant allègrement la plume fluide de l’autrice, marquée par un rythme haletant à des moments-clés du récit, on s’attache à Annabella, une femme déterminée et courageuse, lorsqu’à la mort de son père, elle emprunte le chemin laborieux de la réconciliation avec son passé et sa famille.

Lisez les morceaux choisis

Ève Guerra, Rapatriement, Paris, Editions Grasset, 2024, 212 p.