Biographie 
Jean Racine, orphelin de bonne heure, fait ses études dans les établissements du couvent des religieuses de Port-Royal proches du jansénisme. Il se brouillera pourtant avec ceux qui l’ont formé en 1665 lorsque sa vocation d’écrivain de théâtre se confirmera. A compter de 1666, il donnera avec régularité une série de tragédies qui seront considérées très vite comme des chefs d’œuvre, d’Andromaque à Phèdre. Nommé historiographe du roi et marié, réconcilié avec le milieu janséniste de Port-Royal, il interrompra brutalement sa carrière de tragédien après 1676, avant de donner pour les demoiselles de Saint-Cyr Esther et Athalie, à la demande de Mme de Maintenon. Outre son talent de dramaturge et sa capacité à rendre tous les états d’âme de l’amour passion, c’est la fluidité de la langue de Racine qu’il faut encore admirer aujourd’hui... Même Rousseau ou Voltaire ne l’ont, me semble-t-il, pas égalé.
Le jour n’est pas plus pur que le fond de mon cœur...
Avec Andromaque (1666), Racine atteint la maturité de son génie et, pendant 10 ans, jusqu'à Phèdre (1676), il fera preuve de la même maitrise. L'Affaire des poisons dans laquelle la propre maitresse du roi, Mme de Montespan, sera compromise fera cesser sa carrière de tragédien car les dévots lui reprocheront, non pas d'empoisonner les corps, mais d'empoisonner les âmes en montrant les désordres de la passion dans ses tragédies. C'est à la demande de Mme de Maintenon qu'il acceptera, sur le tard, de reprendre la plume et d'écrire deux nouvelles tragédies, religieuses cette fois, Esther et Athalie.
Dans Andromaque, tout commence bien. Le ciel est bleu, la mer est calme. La guerre de Troie est enfin terminée mais chacun des quatre protagonistes de la pièce, Oreste, Hermione, Pyrrhus et Andromaque ont été marqués par elle dans leur chair ou leur famille. Oreste est le fils du roi Agamemnon, (que sa femme Clytemnestre a assassiné), Hermione est la cousine germaine d'Oreste, Pyrrhus est le fils d'Achille, celui même qui a tué Hector, le mari d'Andromaque et le père du petit Astyanax. Donc tout est tranquille bien que les Grecs aient envoyé Oreste avec pour mission de réclamer à Pyrrhus Astyanax dans le dessein d'éliminer l'enfant dernier rejeton de la dynastie des Troyens. En outre, il se trouve qu'Oreste aime Hermione qui ne l'aime pas. Hermione aime Pyrrhus qui ne l'aime pas, Pyrrhus aime Andromaque qui ne l'aime pas et n'a qu'un seul désir, sauver son fils. Cet édifice amoureux qui n'a pas de fondations oscille en fonction des états d'âme et des passions de chacun des protagonistes et menace de s'écrouler à la moindre tempête amoureuse. Et c'est justement l'arrivée d'Oreste qui va déclencher les hostilités. Lorsque Pyrrhus décide d'épouser Andromaque, Hermione repoussée demande à Oreste de tuer Pyrrhus. Il le fait mais Hermione le repousse à son tour et se suicide. Oreste devient fou. Seule Andromaque devenue veuve réussit à sauver son fils.
Morceaux choisis
- Acte III, scène 8, Andromaque, 1666
- Acte I, scène 3, Phèdre, 1676
- Acte II, scène 5, Phèdre, , 1676
- Uzès et les oliviers, Lettre d’Uzès à La Fontaine, 1661
Pourquoi j’ai choisi ces textes (HJ) ?
J'ai choisi ce texte parce qu'il est une illustration de la théorie des dominos. Andromaque rappelle à sa confidente, Céphise, les raisons pour lesquelles elle refuse d'épouser Pyrrhus mais Céphise lui fait valoir la menace qui pèsera alors sur son fils Astyanax. Situation impossible pour Andromaque prise entre deux exigences incompatibles. Tous sont en équilibre instable, il suffit de faire tomber le premier domino (Oreste) pour faire chuter les deux autres (Hermione et Pyrrhus) dans un processus que personne ne peut arrêter. C'est là le génie dramatique de Racine.
Il en donnera une autre preuve dans Phèdre. Le roi Thésée est parti à la guerre. Sa femme, Phèdre est passionnément amoureuse, d'un amour qu'elle ressent comme criminel de son beau-fils, le bel Hippolyte, lui-même fiancé à la princesse Aricie. Or, on apprend soudain que Thésée serait mort. Phèdre devenue veuve peut alors déclare son amour pour Hippolyte dans l'espoir de l'épouser. Mais ce dernier la repousse avec indignation. Et voici que Thésée qu'on croyait mort réapparait. Phèdre se venge en accusant devant Thésée Hippolyte d'avoir voulu la séduire. Thésée alors appelle sur son fils la malédiction du dieu de la mer. Celui-ci envoie un monstre marin contre Hippolyte dont les chevaux, pris de terreur, s'emballent et tuent le pauvre Hippolyte. Il ne reste à Phèdre qu'à se suicider... Phèdre est la dernière tragédie de la carrière publique de Racine. Après Andromaque, tragédie de l’amour maternel ou Bérénice, tragédie du conflit entre le pouvoir et l’amour, Racine s’attaque à un sujet presque tabou : celui de l’inceste. Mais sur ce point délicat, il fait preuve de la même maitrise pour peindre les ravages de la passion.
Les deux textes de Phèdre me paraissent complémentaires en quelque sorte : dans le premier, Phèdre avouant à sa confidente son amour pour Hippolyte, est encore résignée à mourir sans se déclarer ; dans le deuxième, l’annonce de la mort supposée de Thésée vient de bander le ressort de la tragédie en provoquant les aveux de Phèdre à Hippolyte. A partir de cet instant et surtout à partir du retour de Thésée, la machine infernale ne peut plus être arrêtée et, innocents ou coupables, les héros seront broyés. On y trouve certains des alexandrins les plus célèbres qui décrivent la passion :
Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue...
C’est Vénus tout entière à sa proie attachée...
Faibles projets d’un cœur trop plein de ce qu’il aime...
Dans la lettre à La Fontaine, il est amusant de voir Racine faire la publicité de l’huile d’olive et de lire la réaction d’un homme du nord devant la civilisation du midi... qui, on le voit, ne se limite pas aux oliviers...
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Racine andromaque acte iii scene 8 (79.42 Ko)
Racine phe dre acte i scene 3 (70.64 Ko)
Racine phe dre acte ii scene 5 (78.23 Ko)
Racine lettre duzes a la fontaine (67.28 Ko)