Biographie 
Charles Louis de Secondat, baron de La Brède et de Montesquieu est aussi célèbre pour les Lettres persanes que pour L’Esprit des lois. Il est en quelque sorte l’ancêtre et le promoteur de l’esprit des Lumières. Après un début de carrière de magistrat à Bordeaux, il se démet de sa charge en 1725. Ses voyages en Europe continentale et en Angleterre l’ont fait connaitre et son influence a été considérable sur l’élaboration de la pensée politique : sa théorie de la séparation des pouvoirs a nourri les penseurs de la Révolution française.
Cependant, on peut penser qu’il a fait preuve d’optimisme, de naïveté, dans la mesure où il a, dans l’élaboration de son système politique, omis trois pouvoirs, celui de l’opinion qu’il a pressenti avec celui qui lui est jumelé, celui de la presse, celui de l’argent qu’il n’a pas identifié comme tel, bien que ce dernier soit plus puissant que tous les autres qu’il permet d’obtenir et enfin, celui de la religion, dont on voit, même au XXIe siècle l’importance qu’il exerce encore sur les esprits.
Peut-être a-t-il voulu seulement les évacuer de son système. Si la liberté de ton de Montesquieu n’étonne pas trop à l’époque de la Régence, avec des attaques contre la religion et la monarchie absolue, elle surprend davantage sous le règne de Louis XV et, du reste, L’Esprit des lois sera mis à l’index en 1751.
Cependant, tout le combat de Montesquieu en faveur de la raison ne sera pas vain car, au de la des outrances et des folies de la Révolution, on peut dire qu’il est sinon le père, du moins le grand-père, de la démocratie parlementaire, dont nous vivons plus ou moins bien.
Morceaux choisis
- Lettre XXIV, Lettres persanes
- Livre XV, L'Esprit des Lois, chapitres 5-9
(L'esclavage des nègres, Véritable origine du droit de l’esclavage, Autre origine du droit de l’esclavage, Inutilité de l’esclavage parmi nous, Des nations chez lesquelles la liberté civile est généralement établie)
Pourquoi j’ai choisi ces textes ? (HJ)
On voit que le Parisien n’a pas beaucoup changé en presque trois siècles... Il court toujours et bouscule toujours. Pas plus que les ressorts de la vanité humaine ne se sont rouillés depuis le même temps. La Légion d’honneur n’avait pas encore été inventée par Napoléon qui disait « On gouverne les hommes avec des hochets ». Quant à la monnaie, nous sommes maintenant trop habitués aux dévaluations et au cours forcé des monnaies de papier pour nous étonner comme nos amis persans. On a fait beaucoup mieux avec la spéculation sur des choses aussi immatérielles que les indices... d’indices boursiers... Les controverses religieuses ont changé d’objet mais elles n’ont pas non plus cessé depuis cette époque et il n’y aurait donc pas beaucoup à changer pour actualiser les textes de Montesquieu... Ce qui est amusant est que le regard des Européens sur un Orient tolérant et libéral a changé puisque la Perse du dix-huitième siècle est maintenant diabolisée à souhait... Qu’il est facile d’apercevoir la paille dans les yeux du voisin, surtout quand on ne veut pas voir la poutre qu’on a soi-même dans l’œil. Tout en sachant bien que la possession de l’arme nucléaire par les Iraniens ne fera qu’accroitre les risques dans le monde, les Occidentaux feraient bien de réfléchir au soutien qu’ils ont apporté à l’Irak de Saddam lorsqu’il a attaqué par surprise l’Iran. Plus d’un million de morts, on comprend que les Iraniens se disent : « Plus jamais ça » et veuillent acquérir les moyens de la dissuasion… Le danger est moins dans les armes que dans les hommes qui les manient… et certaines de nos démocraties qui se croient l’armée du Bien feraient bien de pratiquer leur examen de conscience.
Les fragments de L'Esprit des Lois de Montesquieu m’ont intéressé en raison de la façon dont l’auteur présente sa condamnation de l’esclavage. Ne comptant pas trop sur la persuasion qui pourrait résulter d’une argumentation rationnelle, il préfère nous donner une démonstration par l’absurde : les nègres ne sont pas des hommes sinon la façon dont nous les traitons montrerait que nous ne sommes pas chrétiens. Or, sous-entendu, nous sommes de bons chrétiens. De même quand la liberté ne vaut rien (comme c’est le cas chez les Moscovites d’hier et aussi d’aujourd’hui), l’esclave ne perd rien par rapport à l’homme supposé libre... Ou encore, lorsque les maitres sont les esclaves politiques du prince, il n’est pas anormal que les travailleurs soient les esclaves économiques du maitre.
Dans tous les autres cas, on obtient un bien meilleur rendement économique avec le travail d’hommes libres pourvu qu’ils soient rémunérés en fonction de la difficulté du travail qu’ils accomplissent. Commençant par l’ironie, la démonstration se termine par un jugement moral : ceux qui veulent l’esclavage le veulent pour le luxe et la volupté et non pour la félicité publique. Il faut croire que la démonstration n’a cependant pas ému beaucoup les politiques de l’époque puisqu’il s’écoulera exactement un siècle entre la publication de L’Esprit des lois et l’abolition définitive de l’esclavage en 1848 sur l’initiative de Victor Schoelcher.
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