Biographie
Prosper Mérimée s’est fait une double renommée, comme littérateur mais aussi comme l’un des fondateurs de la Commission des monuments historiques. Inspecteur des monuments historiques, on lui doit, ainsi qu’à Viollet-Le-Duc, le sauvetage et la protection de nombreux monuments qui, sans lui, auraient irrémédiablement disparu. À ce titre, les Français lui doivent une reconnaissance éternelle car il a engagé l’Etat dans une politique de restauration des monuments historiques dont nous voyons encore aujourd’hui les bénéfiques effets, malgré tous les saccages et les destructions des guerres, barbares et de l’incurie.
Spécialisé très tôt dans de petits récits qu’il reprendra à chaque nouvelle édition pour en polir le style retenu et détaché, il triomphera dans la nouvelle et saura, de ses voyages, exploiter savamment la couleur locale des pays visités. Familier de la princesse Mathilde et de l’impératrice, il deviendra sénateur et restera très proche des milieux artistiques de la cour impériale. La défaite de Sedan, la chute de l’Empire lui porteront un coup très dur et précipiteront la mort d’un homme secret et désabusé qui avait longtemps écrit surtout pour être lu par la femme qu’il aimait.
Morceaux choisis
- Tamango, 1829
- Colomba, 1840
Pourquoi j’ai choisi ces textes (HJ) ?
Tamango : Pendant des années, j’ai été un inconditionnel de Stendhal. Je me prenais peut-être pour Fabrice... Et maintenant quand je relis La Chartreuse je ne retrouve plus ce miroitement doré qui m’avait tant ébloui, cette vivacité du ton, cette ironie légère de l’auteur tirant les ficelles de ses personnages puis les lâchant comme des Pinocchio, les regardant couper leurs attaches et faire tout seuls toutes les bêtises qu’on peut attendre de garçons de vingt ans. Eh bien, cet enchantement que me donnait la lecture de Stendhal, pour moi, s’est dissipé. En revanche, j’en retrouve quelque chose chez Mérimée qui me parait, au total, plus convaincant que Stendhal. Peut-être parce qu’il avait moins l’ambition de nous conter de grandes histoires d’amour qui me séduisent moins aujourd’hui. Mais peut-être parce que son style bref, son ironie plus acérée, son détachement par rapport à ce qui se passe sur le papier confère à ses contes un charme très vif. Il ne nous fait jamais languir et, surtout, alors que l’Italie de Stendhal est un peu idéalisée, Mérimée a un sens aigu de la couleur locale qu’il sait accommoder de très preste façon. Sa Carmen est une garce d’une criante vérité (on va penser que j’en ai connu beaucoup !), et sa Colomba n’a pas froid aux yeux... c’est le moins qu’on peut dire. Les deux histoires atroces de La Vénus d’Ille qui fait dresser les cheveux sur la tête ou Mateo Falcone qui montre le côté farouche de l’honneur corse font honneur à la capacité de Mérimée de mettre en scène l’horreur mieux que dans les polars actuels. Et la longue Chronique du temps de Charles IX se lit d’un bout à l’autre, mieux, me semble-t-il que les Chroniques italiennes du concurrent.
A propos de Tamango écrit en 1829 soit bien avant l’abolition de l’esclavage, notons que Mérimée, sceptique, renvoie dos à dos esclaves et esclavagistes, ce qui est un indice d’un pessimisme avéré sur les possibilités d’améliorer l’espèce humaine...
Columba : Si Carmen est justement célèbre et doit être en outre louée pour avoir inspiré le célèbre et populaire opéra de Bizet, au point d’évoquer l’Espagne et plus particulièrement l’Andalousie du XIXe siècle aux yeux de ceux qui ne l’ont pas visitée, je suis obligé de confesser ma préférence pour Colomba. Bien sûr, j’aime l’alacrité de ce petit récit qui met en relief, même chez des Irlandais, la perfidie naturelle et perverse des Anglais et la façon dont le héros les remet en place.
C’est cette façon de ne pas y toucher qui fait le charme des récits de Mérimée. Il y a toujours quelques petites flèches empoisonnées sous le couvert de mots apparemment innocents et cela confère à ses écrits cette distanciation qui en fait tout le piquant, comme si, sans cesse, l’auteur nous prenait à part et nous faisait un clin d’œil. D’une façon un peu paradoxale, cette façon de nous prendre à témoin nous rapproche de lui en nous invitant à partager son jugement et l’acidité de ses traits. Vivent les Corses et périsse la perfide Albion.
On épargnera cependant Miss Nevil que je n’aurai pas l’audace d’appeler par son prénom, en raison de la façon charmante qu’elle a de rougir. N’ayant nulle honte de leurs turpitudes accoutumées, les autres Anglais ne rougissent qu’après s’être exposés au soleil.
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