Biographie 
Sous ce double patronyme, se cachent deux personnages qu’on pourra qualifier de Vosgiens, de Lorrains ou d'Alsaciens-Lorrains selon leurs lieux de naissance ou de décès. Ils ont écrit ensemble de nombreux romans ou nouvelles, toujours inspirés à la fois par le nationalisme ou le régionalisme. Tous deux ont été très fortement marqués par la brutale défaite de la France contre la Prusse en 1870 et l’amputation des départements de la Meurthe, de la Moselle, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin qui a frappé leur vie d’hommes murs et dont ils ne se sont pas consolés. D’où un sentiment de revanche nécessaire qu’ils ne pourront connaitre puisque tous deux sont morts bien avant 1918.
Les très nombreux textes qu’ils ont rédigés de concert ont connu une très grande popularité dans les milieux patriotes à l’instar du Tour de France par deux enfants qui a été un des livres de chevet de mon enfance et narre les aventures de deux enfants orphelins de Phalsbourg contraints de s’enfuir de l’occupation allemande. Si je suis Français jusqu’au bout des ongles des orteils c’est un peu grâce à ces livres et à la férule d’une juive alsacienne convertie au christianisme, la redoutée Mère Mathias de Notre Dame de Sion, qui était encore plus patriote que redoutable et qui cachait des uniformes de prisonniers évadés en pleine seconde guerre mondiale. La défaite de 1940 n’avait fait qu’exacerber notre désir de revanche et, mes copains de classe et moi, nous avons biberonné avec passion l’esprit de la Résistance jusqu’à la libération de Nancy, le 8 septembre 1944. Je me souviendrai toujours d’avoir vu le drapeau français flotter sur le palais du gouvernement ce matin-là : il y avait un grand soleil dehors mais aussi en nous.
Morceaux choisis
- Chapitre VI, Histoire d’un conscrit, 1813
Pourquoi j’ai choisi ce texte ? (HJ)
L'Alsace-Lorraine, ce n’est pas rien. Nous, les Lorrains, sommes conscients d’avoir trois fois été la partie solide de la France quand tout craquait derrière nous. Et cela dès septembre 1792 quand il a fallu mobiliser La Patrie en danger. Puis en 1814, en 1870, à nouveau de 1914 à 1918 et derechef en 1940-1945. Chaque fois, nous avons perdu au moins un membre de notre famille et c’est un vrai miracle qu’ait pu se faire la réconciliation franco-allemande qui n’a pas de prix. Aussi, encore maintenant, je ne peux pas lire une ligne de ces Romans nationaux publiés en fascicules distincts puis brochés différemment selon les éditions. Je ressens en eux douleur et fierté puisqu’au bout du compte nous avons gagné.
Compte tenu de l’origine provinciale de nos deux auteurs, on ne s’étonnera pas que l’Alsace tienne une très grande place dans ces récits. Elle y est l’archétype de la province perdue et rêvée au-delà de la fameuse Ligne bleue des Vosges. Un des membres de notre institution, Charles Muller, né à Strasbourg en 1909 et décédé à 106 ans (Les Alsaciens de vieille roche sont coriaces) racontait qu’il n'avait découvert l’existence du chocolat qu’en 1918. Il faut donc lire, avec une pieuse émotion l’Histoire d’un conscrit de 1813, Madame Thérèse, Waterloo et bien d’autres morceaux. Je ne sais pas comment ces textes, plus que centenaires et si loin des autres provinces de la France, peuvent encore émouvoir de nos jours. Pour nous, Alsaciens-Lorrains, ils sont notre chair, même si c’est parfois de la chair à canon. Il y a cinq ou six ans, j’ai emmené mes enfants à Verdun sur un des hauts lieux de la guerre de 14, Les Eparges, prises par les Allemands en 1914 et reconquises seulement en 1918. C’était le 8 mai, jour de Victoire et fête de Jeanne d’Arc, donc le printemps. Quelle n’a pas été ma stupéfaction de voir que les énormes entonnoirs des mines de la guerre, où 100 000 soldats sont tombés, était couverts de ces fleurettes jaune pâle qu’on appelle coucous, comme si chacun de ceux qui sont tombés, Allemands ou Français, était un instant ressuscité pour nous rappeler l'espérance.
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Erckmann chatrian histoire dun conscrit (207.18 Ko)